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24 mai 2021

La Vierge Marie dans la vie de Jean Bosco

LA VIERGE MARIE DANS LA VIE DE JEAN BOSCO

 

INTRODUCTION

Nous ne connaissons pas beaucoup de la vie de Francesco Bosco, le Papa de Jean Bosco, mais nous savons que le couple Bosco était chrétien. La Vierge Marie sans doute était présente dans leur vie. Cet amour à la Vierge, Marguerite Occhiena, la Mère l’avait transmis au petit Jean. Depuis son enfance, le petit Jean a appris à prier trois fois la Vierge Marie. Le 30 octobre 1834 lorsque Jean partait pour le séminaire, la veille de son départ, sa mère lui adressa ces paroles mémorables :

Mon Jean, tu as revêtu l’habit ecclésiastique, j’en ressens toute la consolation qu’une mère put peut éprouver du bonheur de son fils. Mais souviens-toi : ce n’est pas l’habit qui honore ton état, mais la pratique des vertus. Si jamais tu venais à douter de ta vocation ! Alors,  de grâce, ne déshonore pas cet habit Quitte le bien vite. J’aime mieux avoir un fils paysan que prêtre négligent ses devoirs. Quand tu es venu au monde, je t’ai consacré à la Bienheureuse Vierge ; quand tu as commencé tes études, je t’ai recommandé la dévotion à cette Mère, maintenant, je te demande de te donner tout à elle ; aime des compagnons qui lui sont dévots, et, si tu deviens prêtre, recommande et répands toujours la dévotion à Marie.[1]

        

         En parcourant les mémoires de l’oratorio écrit par le saint lui-même, nous pouvons nous rendre compte de la place de Marie dans la vie du saint lorsqu’il était enfant comment, il priait la Vierge avec les autres enfants. Au séminaire, sa relation avec la Vierge s’est intensifiée (prière du chapelet, consécration à Marie, Angélus, l’imitation de ses vertus). Pour Jean Bosco, Marie est une Mère Auxiliatrice, une mère attentive, celle qui sauve dans des situations dangereuses, celle qui oriente dans la mission naissante. Dans plusieurs de ses rêves, Jean Bosco rêve la Vierge Marie qui lui indique les attitudes à tenir, c’est elle qui lui montre comment l’œuvre salésienne va grandir, les difficultés qui accompagneront cette mission avec les jeunes les plus pauvres. Dans la basilique du Sacré Cœur de Rome, à la fin de sa vie, Jean en parcourant sa vie durant l’Eucharistie, s’est ému à plusieurs reprises et il a affirmé « C’est elle qui a tout fait ». Pour dire, c’est la Vierge Marie qui a réalisé l’œuvre salésienne. La Vierge a une très grande place dans sa vie c’est pourquoi, la congrégation religieuse qu’il fonda avec Sainte Mère Marie Dominique, il a voulu que ses sœurs s’appellent « Fille de Marie Auxiliatrice » parce qu’il a voulu que chacune des sœurs soit un « monument vivant de la reconnaissance à l’Auxiliatrice ». C’est un aspect qui caractérise fortement l’identité des Filles de Marie Auxiliatrice « Par le don de l’Esprit Saint et avec l’intervention directe de Marie, Saint Jean Bosco a fondé notre Institut comme réponse de salut aux attentes profondes des jeunes… »[2]

En parcourant les mémoires de l’oratorio, les Constitutions des Filles de Marie Auxiliatrice, quelques biographies de Saint Jean Bosco, certaines réflexions de Don Pascal Chavez, nous réalisons comment durant toute la vie du Saint Fondateur, Marie a été Immaculée et Auxiliatrice. Aujourd’hui pour nous famille salésienne, la Vierge Marie continue d’être Mère et Auxiliatrice, secours.

 

Le contexte : l’Italie de 1815

Francis Desramaut dans Don Bosco et son temps explique extraordinairement le contexte de notre saint Fondateur. « L’histoire de notre saint commence au lendemain de la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815, dans un village piémontais, au nord d’une Italie redécoupée conformément aux souhaits des vainqueurs de Napoléon ».[3] C’est la période de la révolution française.

Le Montferrat était marqué par « la restauration du pouvoir politique ne concernait pas beaucoup la grande majorité de la population piémontaise. Les guerres, le passage des troupes, la pénurie n’a pas changé la vie des paysans. Casternuovo d’Asti comptait trois mille habitants. Le terroir produisait du blé en quantité suffisante pour assurer du pain à la population. On y produisait également de vins de qualité. La famille Francesco Bosco s’est installée au début du siècle à quelque quatre kilomètres du Bourg de Castelnuovo, de la cascina de San Silvestro à Chieri. C’est dans ce contexte que naquit le petit Jean le 16 août 1815.[4] Don Bosco aime tellement Marie qu’il déplace le jour de sa naissance au 15 Août 1815. « Le jour de l’Assomption de Marie au ciel fut celui de ma naissance, en l’an 1815 à Murialdo, bourge de Casternuovo d’Asti ».[5] Don Bosco voulait dire ici, que dès sa naissance, la Vierge était présente, elle était là.

 

 

  1. Marie Immaculée Auxiliatrice dans la vie de Saint Jean Bosco

Parler de la présence de Marie dans l’histoire de notre Saint Père, Fondateur et Père de la jeunesse, signifie, en pratique, considérer toute sa vie ; ce qui serait impossible en quelques lignes. L’intervention maternelle de Marie dans la vie de Don Bosco. Il nous est dit, avant tout, que Marie “a indiqué à Don Bosco son champ d’action parmi les jeunes”. – Cela constitue sans le moindre doute une évocation du rêve des 9 ans que, certainement, nous avons tous eu l’occasion de méditer, en ayant entre les mains les Memorie dell’Oratorio, en français le livre : Don Bosco, souvenirs autobiographiques. (Lire le rêve de 9 ans, p.22)

Dans le rêve de 9 ans du  petit Jean, nous voyons le lien étroit qui existe entre Jésus et sa Mère, Marie. « Mais, vous, qui êtes-vous pour me parler de la sorte ? » – « Je suis le fils de celle que ta mère t’a appris à saluer trois fois le jour ». –  « Ma mère me dit de ne pas fréquenter sans sa permission des gens que je ne connais pas : dites-moi donc votre nom » Mon nom, demande-le à ma mère ». Et voilà une “Dame d’aspect majestueux, vêtue d’un manteau qui resplendissait de toutes parts comme si chaque point eût été une étoile éclatante” ; elle se met à expliquer la vision et à indiquer la mission que Dieu lui confie : « Voilà ton champ d’action, […] voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste et tout ce que tu vois arriver en ce moment à ces animaux, tu devras le faire pour mes fils » [c’est moi qui souligne en caractères gras]. En recevant sa mission par l’intermédiaire de Marie, le petit Jean l’identifie comme Mère des jeunes les plus pauvres, laissés à l’abandon et en danger ; ceux qui, à la fin du rêve, se transforment, de bêtes féroces qu’ils apparaissaient, en autant de doux agneaux, qui “tous, gambadant de tous côtés et bêlant, semblaient vouloir faire fête à cet homme et à cette femme”.

Sans doute, ce passage peut nous faire penser au texte biblique de l’Ex 3,13 où Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer.

Dans ce rêve fondateur, non seulement il reçoit “l’indication du champ d’action et du but pour lequel il doit travailler”, mais aussi celle de la manière, à savoir cette “amorevolezza” [amour de tendresse] qui, conjuguée avec la raison et la religion, donnera vie à la méthode que, plus tard, Don Bosco appellera “préventive” : « Ce n’est pas avec des coups mais par la douceur et la charité que tu devras gagner leur amitié. Commence donc immédiatement à leur faire une instruction sur la laideur du péché et l’excellence de la vertu ».[4] « Guidé par Marie qui a été pour lui Maîtresse de vie, Don Bosco a vécu, dans la rencontre avec les jeunes de son premier oratoire, une expérience spirituelle et éducative qu’il appela “Système préventif’’ » .

Dans cette même perspective, bien que vingt années après (1844), nous trouvons un rêve semblable. Marie se présente à nouveau, sous l’aspect d’une jeune bergère qui, tout en indiquant le champ de la mission, suggère aussi au jeune prêtre la méthode pour réaliser, en compagnie d’autres collaborateurs, cette mission. « Je m’aperçus alors que les quatre cinquièmes des animaux s’étaient métamorphosés en agneaux dont le nombre devint très grand. Quelques jeunes bergers accoururent alors pour les garder. Ils demeuraient peu de temps et s’en allaient bien vite. Mais, ô merveille, beaucoup d’agneaux se changeaient en pastoureaux qui, grandissant, s’occupaient des autres. Leur nombre allant toujours croissant, ils furent obligés de se séparer pour partir ailleurs accueillir des animaux étranges et les conduire en d’autres bergeries ». Pour nous membre de la Famille salésienne, ce qui promeut la vocation typiquement salésienne, c’est la Mère de Dieu elle-même. C’est elle qui, dans le second rêve de Jean a converti “ quelques-unes des jeunes brebis en bergers”.   Nous sommes appelés à nous adresser à Marie si nous voulons vivre pleinement notre vocation chrétienne. Marie est la mère des vocations, c’est elle qui oriente vers son Fils.

Marie est la Mère et la Maîtresse de vie qui éclaire l’intelligence du petit Jean, afin qu’il puisse comprendre progressivement, et chaque fois à un niveau plus profond en quoi consiste sa mission (« Tu comprendras tout en son temps »), jusqu’à arriver au moment émouvant où, en célébrant l’Eucharistie dans la Basilique du Sacré-Cœur à Rome, il avouera : “A présent, je comprends tout”. D’autre part Marie l’a soutenu durant toute sa vie, en fortifiant sa volonté pour qu’il pût devenir de plus en plus “fort et robuste” : autrement il n’aurait pas eu la possibilité de supporter le poids et la difficulté de cette mission.

 

  1. L’accueil de Marie de la part de Don Bosco

 

Nous pouvons méditer sur la présence de Marie dans la vie de Don Bosco en considérant les titres qu’il a voulu personnellement privilégier, et qui ne sont certainement pas fortuits : IMMACULÉE – AUXILIATRICE. A ce sujet, nous trouvons un petit “commentaire” dans la Règle de Vie des salésiens. “Marie Immaculée et Auxiliatrice nous éduque à la plénitude de la donation au Seigneur et nous remplit de courage au service de nos frères” (Const. 92). Dans les Constitutions des Filles de Marie Auxiliatrice, l’article premier dit ceci « Par le don de l’Esprit Saint et avec l’intervention direct de Marie, Saint Jean Bosco a fondé il notre Institut », dans l’article 4, nous lisons « Marie est l’inspiratrice de notre Institut et continue à être la Maîtresse et la Mère. C’est pourquoi, nous somme ‘ une famille religieuse’  qui est toute de Marie. Don Bosco nous a voulu ‘monument vivant’ de sa reconnaissance à l’Auxiliatrice et nous demande d’être son ‘merci’ prolongé dans le temps ».

 

Immaculée

« Au-dessus du dôme du sanctuaire Marie-Auxiliatrice de Turin se trouve une belle statue de l’Immaculée. L’Immaculée est à l’extérieur et l’Auxiliatrice est à l’intérieur. Ce sont les deux titres avec lesquels Don Bosco a voulu honorer Notre-Dame, parce que tous deux ont quelque chose à voir avec son charisme et sa mission : le salut des jeunes au moyen d’une éducation intégrale ».

Il est bon de rappeler, même brièvement, la signification et l’importance qu’a pour Don Bosco le titre d’ “Immaculée”. Nous savons que le dogme fut proclamé durant sa vie, le 8 décembre 1854, mais il est certain que la référence à l’Immaculée était déjà présente dans la piété populaire, au point qu’elle était célébrée comme fête. Ce fut précisément quelques années (13 ans) avant la proclamation solennelle que l’Immaculée fit naître l’Œuvre Salésienne. Rappelons, au moins en partie, le récit de Don Bosco lui-même : “Le jour de la fête  de l’Immaculée-Conception (8 décembre 1841), à l’heure habituelle, je m’apprêtais à revêtir les ornements sacrés pour célébrer la sainte messe. Le sacristain, Joseph Comotti, aperçut, dans un coin, un jeune garçon et l’invita à venir me la servir. « Je ne sais pas, répondit-il tout penaud »”. Aussitôt après nous trouvons l’importante rencontre entre Don Bosco et Barthélemy Garelli, et l’ “Ave Maria” avec lequel “tout a commencé”.

Il convient de rappeler, en outre, comment a été vécu, à l’Oratoire, l’extraordinaire événement de la déclaration du dogme de l’Immaculée Conception. « Il avait prié avec ferveur, il avait célébré des messes pour que vînt au plus vite la grâce de cette définition dogmatique, que depuis longtemps il désirait ; et il continua à prier et à remercier le Seigneur d’avoir ainsi glorifié sur la terre la Reine des Anges et des hommes. La fête de l’Immaculée devint celle qu’il préférait, bien qu’avec grande solennité il continuât à célébrer l’Assomption au ciel de Marie ».

Don Egidio Viganò, dans la Lettre de présentation des Constitutions renouvelées des salésiens, en parlant du 8 décembre, écrivait : “Cette date mariale, si éloquente pour tout salésien, était particulièrement chère à Don Bosco. Il l’a signalée comme celle de la naissance officielle de notre charisme dans l’Eglise. Il est intéressant de rapporter ici certains faits marquants liés à cette date : la rencontre avec Bartolomeo Garelli (1841) et l’Ave Maria de ce catéchisme prophétique ; l’ouverture de l’Oratoire Saint Louis à Porta Nuova ; l’annonce en 1859 de la réunion qui donnerait naissance à la Congrégation ; la remise en 1878 du livre des Règles aux Filles de Marie Auxiliatrice ; le début de la présence dans la Congrégation de salésiens évêques, Mgr Cagliero et en 1885 l’importante communication de la désignation de Don Rua comme vicaire du Fondateur. C’est ce même 8 décembre 1885 que Don Bosco affirma : « nous sommes redevables de tout à Marie » ; « toutes nos plus grandes réalisations ont eu leur principe et leur couronnement au jour de l’Immaculée »”.

Mais ce n’est pas seulement une coïncidence historique ou dogmatique qui permet de souligner le rapport entre le titre d’ “Immaculée” et Don Bosco. A la base nous trouvons un élément fondamental du “Système Préventif” qui, il convient de le rappeler une fois encore, n’est pas tant une géniale intuition pédagogique qu’un « amour qui se donne gratuitement, prenant sa source dans la charité de Dieu qui précède toute créature par sa Providence, l’accompagne par sa présence et la sauve en donnant sa vie ». C’est pourquoi « Don Bosco nous le transmet comme façon de vivre et de travailler […] C’est un esprit qui imprègne nos relations avec Dieu, nos rapports personnels et notre vie de communauté, dans la pratique d’une charité qui sait se faire aimer » (Const. SDB/FMA) ; nous ne correspondrons jamais suffisamment au défi que nous présente cette manière de comprendre le “Système Préventif”. Si Dieu “précède toute créature” par son Amour providentiel, cela s’est réalisé, dans une forme pleine, en Marie, la “pleine de grâce”. Qui dit “Grâce”, nous le savons bien, dit avant tout “Dieu lui-même” ; mais cette expression peut aussi souligner la plénitude de la gratuité de l’Amour de Dieu en Marie. Le texte de la déclaration dogmatique du bienheureux Pie IX le dit expressément. Il s’agit, au fond, de tout ce qu’affirme saint Jean : « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés » (1 Jn 4,10). Cela, nous pouvons l’appliquer, avant tout et dans une forme unique, également à Marie. Dans ce sens, il est beau de pouvoir la contempler, Immaculée, comme “le fruit le plus parfait du système prévenant/préventif de Dieu”.

Evidemment cela n’exclut pas la réponse humaine : au contraire, cela rend possible cette réponse et même l’ “exige”, comme l’a très bien souligné le Pape Benoît XVI : « Le Tout-puissant attend le “oui” de ses créatures comme un jeune marié celui de sa promise […] Sur la Croix c’est Dieu lui-même qui mendie l’amour de sa créature : Il a soif de l’amour de chacun de nous ». Cela, nous pouvons l’appliquer, en tout premier lieu, à Marie. A ce sujet est intéressante la remarque d’un théologien spécialiste, Alois Müller : « Du point de vue historique, on ne parla pas d’abord, à dire vrai, de la conception immaculée de Marie, mais de l’absence de péché pendant sa vie » : cela signifie que depuis toujours l’Eglise a vu dans la “pleine de grâce”, non seulement le don gratuit de Dieu, mais aussi la réponse, pleine et totale, de Marie.

 

Auxiliatrice

Quant au titre d’ “Auxiliatrice” (il convient de le rappeler), lors du Concile Vatican II, il apparaît dans la Lumen Gentium avec d’autres titres qui honorent la Vierge Marie : vint ensuite s’ajouter à ces titres celui de “Mère de l’Eglise” que le Pape Paul VI attribua solennellement à Marie lors de la promulgation de cette Constitution dogmatique sur l’Eglise. Nous savons l’importance que le titre d’Auxiliatrice avait pour Don Bosco. Dans la Lettre déjà citée, don Egidio Viganò écrivait : “Il y a par ailleurs une raison tirée d’un aspect caractéristique de la dévotion même à la Vierge Auxiliatrice : il s’agit d’une dimension mariale qui est, par nature, envisagée précisément pour les temps difficiles. Don Bosco, s’adressant un jour à Don Cagliero, fit cette affirmation, devenue fameuse : « Marie veut que nous l’honorions sous le titre Auxilium Christianorum, Secours des chrétiens : les temps que nous vivons sont si tristes que nous avons vraiment besoin que la Très Sainte Vierge nous aide à conserver et à défendre la foi chrétienne »”. (Temps des croisades, pèlerinage, guerre contre l’infidèle. nous sommes au moyen âge)

En continuant ses considérations, don Viganò envisageait les difficultés rencontrées à son époque, très différentes de celles que dut affronter notre Père ; mais différentes, sous de nombreux aspects, également de celles qui s’imposent à nous aujourd’hui : les temps changent à un rythme vertigineux, et déjà, tout autant, la culture vécue par les jeunes à laquelle, chaque jour, nous devons faire face. Il faut cependant souligner une chose : en invoquant Marie sous ce titre nous ne prétendons pas qu’elle nous aide et nous défende ‘contre’ quiconque. Si nous croyons que l’Incarnation du Fils de Dieu est le principe qui permet d’affirmer son union avec tout homme et toute femme du monde (cf. GS 22), quelle que soit leur situation, nous pouvons dire quelque chose de semblable au sujet de la Maternité universelle de Marie.  Cela, toutefois, ne nous conduit pas à ignorer tant de situations négatives  et tant de problèmes inquiétants ; pour faire face à cela, nous demandons son aide et sa protection, spécialement lorsque nous nous opposons au mal, au péché, à la “culture de mort” si contraire à la vie dont Marie, en tant que femme et en tant que mère, est symbole transparent et puissante protectrice. Avec la joie de pouvoir constater dans les différentes régions du monde la vitalité de notre charisme et ses effets bienfaisants, se fait jour la tristesse lorsque sont pris en considération les défis actuels du monde. C’est surtout en leur faveur que nous demandons à Marie d’être Mère et Secours, “visage maternel de l’Amour de Dieu”.

Si la définition de l’Immaculée Conception réaffirme, au niveau dogmatique, tout ce que signifie pour Don Bosco le Système Préventif, serait-il exagéré de découvrir, dans le dogme de l’Assomption de Marie que proclama le Pape Pie XII en 1950, un rapport étroit avec le titre d’ “Auxiliatrice” ? Il convient de rappeler que l’Ascension de Jésus ne signifie pas son “détachement” d’avec le monde ou la négligence vis-à-vis de l’Eglise et de l’humanité ; bien contraire, elle signifie ce qui est souligné par les textes liturgiques :      “il ne s’évade pas de notre condition humaine : mais, en entrant le premier dans le Royaume,  il donne aux membres de son corps  l’espérance de le rejoindre un jour”.

Ne pouvons-nous pas alors, d’une manière analogue, estimer que l’Assomption de Marie marque le commencement de sa protection et de son secours maternel en faveur de tous les chrétiens, et même de tous les hommes et de toutes les femmes du monde ? Cette manière de l’envisager, en plus de mettre notre dévotion à Marie au moyen des titres d’Immaculée-Auxiliatrice en relation avec le Magistère de l’Eglise, nous permet de comprendre pourquoi, aux yeux de Don Bosco, la solennité de l’Assomption était l’une de ses fêtes préférées, comme l’indiquait le texte des ‘Mémoires Biographiques de Don Bosco’, et cela non seulement en raison de la coïncidence plus symbolique que chronologiquement exacte avec sa naissance, mais en raison de son rapport avec le titre d’ “Auxiliatrice” et du sens de sa dévotion.

 

  1. Marie, modèle de foi, d’espérance et d’amour

 

Etant donné la richesse et la diversité des attitudes de Marie présentées à notre contemplation et offertes à notre imitation (tant dans l’article 92 des Constitutions que dans quelques autres qui mentionnent la Mère de Dieu), il est opportun de les rassembler autour des trois vertus théologales, pour les mettre après en rapport avec les trois valeurs évangéliques : l’obéissance, la pauvreté et la chasteté ; c’est pourquoi nous avons recours à la réflexion biblique, puisque – Paul VI le rappelait dans l’Exhortation apostolique déjà citée Marialis Cultus : « La nécessité d’une empreinte biblique dans toute forme de culte est comprise aujourd’hui comme un postulat général de la piété chrétienne […] Le culte rendu à la Vierge ne peut être soustrait à ce courant général de la piété chrétienne, bien plus, il doit s’en inspirer tout particulièrement pour acquérir une vigueur nouvelle et un profit assuré » (MC 30).

Commençons par une remarque de caractère général : il est intéressant de vérifier l’importance que revêt la personne de Marie, dans le développement diachronique du Nouveau Testament. Le parcours débute par les textes venus en premier, à savoir les lettres de Saint Paul et l’évangile selon saint Marc, qui ne font à propos de Marie que quelques références marginales, en passant ensuite par Matthieu et Luc qui, à partir de positions indépendantes (sur cette question plus encore qu’en d’autres !) réfléchissent tous deux sur les origines humaines de Jésus en rapport étroit avec sa mère, Marie ; jusqu’à arriver à la personne de la Femme, nouvelle Eve, dans l’œuvre de Jean : le quatrième évangile et l’Apocalypse. Nous pourrions affirmer que, dans la mesure où la communauté chrétienne, éclairée par l’Esprit Saint, réfléchit plus en profondeur sur le mystère du Christ, elle découvre aussi, progressivement, l’importance de Marie.

 

« Bienheureuse celle qui a cru » (Lc 1,45)

 

« Nous contemplons et imitons sa foi », dit l’article des Constitutions que nous sommes en train de prendre en considération. Et dans le contexte de l’éducation de nos jeunes à la foi, nous lisons dans l’article 34 : «  La Vierge Marie est maternellement présente sur ce chemin. Nous la faisons connaître et aimer comme Celle qui a cru » (Const. 34). Il est une demande que ce texte nous pose immédiatement : suscitons-nous chez nos jeunes, garçons et filles, une dévotion à Marie qui mette au premier plan sa foi ?

La foi, nous le savons, est l’attitude fondamentale du croyant, puisque, ainsi que le dit la lettre aux Hébreux, « sans la foi, il est impossible d’être agréable à Dieu » (He 11,6). Elisabeth appelle Marie “la croyante” par excellence, en se félicitant à ce sujet, et en la proclamant “bienheureuse”. Cet éloge renvoie au moment de la vie de Marie que nous pouvons appeler un ‘élément discriminant’ [le mot utilisé en italien est ‘spartiacque’, à savoir, un sommet, une ligne de partage des eaux] : le moment sous-entendu est ici l’Annonciation. C’est dans cette circonstance que Marie, tandis qu’elle se rend compte que Dieu a un projet merveilleux sur elle, la “pleine de grâce” (aucune traduction n’épuise la richesse du mot grec utilisé par Luc [1,28], kekharitôménè ![participe passé d’un verbe signifiant : favorisée, comblée de grâce, ‘qui a reçu la faveur de’, ‘pleine de grâce’ ]), est invitée à collaborer librement avec Lui. La demande qu’elle adresse à l’ange Gabriel : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je suis vierge ? » n’est en rien une objection ou l’indice d’un doute, mais plutôt l’expression du désir de répondre le plus consciemment et librement qu’il soit possible à cette invitation divine, en y apportant un plein assentiment. Exprimé d’une manière paradoxale, Marie accepte librement et joyeusement (le subjonctif [Lc 1,38] est le mode du souhait pour un verbe !) de devenir la “servante” du Seigneur : « Que tout se passe pour moi selon ta parole ».

–  La foi de Marie est, avant tout, confiance en Dieu. Comme je l’ai dit dans une autre occasion : “Marie ne met pas sa confiance dans le plan de Dieu, mais plutôt dans le Dieu du plan”. La foi n’est pas, en premier lieu, l’acceptation de contenus objectifs que Dieu nous révèle, mais une adhésion inconditionnée, typique de l’amour, à Lui et à ce qu’Il veut de nous. “Demande-moi n’importe quoi et, moi, je l’exécuterai” est une des expressions typiques de l’amour, même au niveau humain ; à plus forte raison dans la relation de la personne avec Dieu. Quelque chose de semblable se produit dans notre vie : nous ne mettons pas notre confiance en Dieu parce que nous connaissons déjà au préalable son projet sur nous, mais pour le fait que c’est Lui qui nous invite à nous remettre entre ses mains, comme un enfant dans les bras de sa mère.

–  La foi de Marie s’exprime et se réalise concrètement dans son obéissance. Dans l’histoire du salut, les grands croyants sont d’authentiques personnes obéissantes : à commencer par notre “père dans la foi”, Abraham, jusqu’à atteindre un sommet dans Marie. Saint Paul présente sa vocation apostolique de la façon suivante : « Par lui [Jésus] nous avons reçu la grâce d’être apôtre pour conduire à l’obéissance de la foi » (Rm 1,5 ; [c’est moi qui souligne en italique dans la citation]). Une foi qui ne conduit pas à rechercher la volonté de Dieu pour ensuite la mettre en pratique dans la vie, n’est pas authentiquement chrétienne, car elle tombe dans un intellectualisme stérile ou dans une attitude velléitaire sans conclusion utile.

–  En latin il y a une convergence significative entre trois mots : fides [foi] – fiducia [confiance] – fidelitas [fidélité]. La foi entendue comme confiance qui porte à obéir à Dieu débouche, avec le cours du temps, et se vérifie dans la fidélité : surtout dans les moments du choix à opérer : ou bien “on vit de foi” ou bien tout s’écroule et se brise. Dans ce sens, le même article des Constitutions [92] nous invite à contempler en Marie “sa fidélité à l’heure de la croix”.

C’est justement cette foi-confiance qui, ayant été traduite en obéissance, constitue le chemin que Marie parcourt de l’Annonciation à Nazareth, jusqu’à Jérusalem, sur le Golgotha, au pied de la Croix. Un chemin sans nul doute difficile et douloureux. Car nous devons le reconnaître : accepter inconditionnellement Dieu dans sa vie personnelle n’a absolument pas facilité les affaires pour Marie, humainement parlant ; au contraire, cela les a terriblement compliquées. Je souligne deux aspects typiques de l’expérience de foi de Marie.

 

  1. CONCLUSION

Nous sommes invités à “incarner” dans notre vie, la prière de consécration quotidienne que nous adressons à la Très sainte Vierge Marie. Elle constitue un texte précieux, un vrai programme de vie, qui nous aide à renouveler quotidiennement le sens de notre vie salésienne sous un “angle marial”. C’est une prière à la fois simple et profonde dans laquelle, tandis que nous professons notre amour “filial et fort” pour Elle, nous nous engageons à mettre en pratique le “programme” de notre vocation : la mission salésienne.

Avec Marie, La mission ne consiste pas à “faire des choses”, ne se réduit pas au fait de se prodiguer d’une manière générale, vague et imprécise pour la promotion des jeunes, surtout des plus pauvres ; il s’agit, réellement, de porter le souci et de prendre soin de l’authentique “promotion intégrale”, dans la perspective de la mission apostolique, qui se fixe comme but ultime leur salut (cf. Const. 12). “La plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes” : c’est “le secret de Don Bosco au sujet des finalités de son action : « Lorsque je me suis donné à cette part du Ministère Sacré, j’entendis affecter chacune de mes fatigues à la plus grande gloire de Dieu et en faveur des âmes, j’entendis m’employer à faire de bons citoyens sur cette terre, pour qu’ensuite ils fussent un jour de dignes habitants du ciel »”. Evidemment, “promettre” cela à Marie et, par son intercession, au Maître de la moisson, constitue en même temps une humble demande : « sans Moi, vous ne pouvez rien faire », nous dit le Seigneur Jésus. En jouant un peu sur les mots, ce n’est pas une “promesse” parce qu’en vérité nous reconnaissons – comme nous disons à la fin de la prière – qu’en servant le Seigneur (“notre service du Seigneur”), nous nous révélons des gens qui Lui sont utiles, et pas seulement des serviteurs : Lui-même l’a voulu (cf. Jn 15,15-16).

Puisque la mission salésienne est un processus qui naît de la foi et de l’obéissance à Dieu, elle s’exprime dans la prière, et comme prière. En recourant à l’intercession maternelle de Marie, nous la supplions pour tout ce que “nous portons dans le cœur”, à partir de notre sensibilité charismatique particulière (cf. Const. 11) : l’Eglise, la Congrégation et la Famille Salésienne, en particulier les jeunes et, parmi eux, d’une manière spéciale les plus pauvres, destinataires prioritaires de la mission salésienne. Finalement nous l’invoquons pour toute l’humanité. Cette “priorité de la prière” nous rappelle l’exemple de Jésus : avant de donner sa vie pour tous, il supplie le Père pour tous et demande tout ce qui de l’amour d’un Cœur, à la fois divin et humain, peut sortir de plus simple et de plus profond : « Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m’as donnés soient eux aussi avec moi » (Jn 17,24). Nul n’est exclu du salut du Christ…, ni de sa prière. Et donc, pas davantage même de notre prière apostolique.

A Vous, Marie Immaculée Auxiliatrice, à votre soin et à votre conduite maternelle, confions chacun de nous, l’Eglise et toute la famille salésienne.

 

Pascaline Affognon, FMA

 

Bibliographie

 

Article n° 1 des Constitutions des Filles de Marie Auxiliatrice

BOSCO Jean, Mémoire de l’oratorio. Mémoire pour servir à l’histoire de l’oratoire Saint François de Sales, Edition AFO, 2012.

DESRAMAUT Francis, Don Bosco en son temps (18 15-1888), Torino, 1996.

 

Site

CHAVEZ Pascual, in ˂https://www.sdb.org/fr/RM_Ressources/ACG_Lettere/Don_Chavez/Marie_Immaculee_Auxiliatrice#sec-1˃, (15/08/2015).

[1] Jean BOSCO, Mémoire de l’oratorio. Mémoire pour servir à l’histoire de l’oratoire Saint François de Sales, Edition AFO, 2012, 78.

[2] Article n° 1 des Constitutions des Filles de Marie Auxiliatrice

[3] Francis DESRAMAUT, Don Bosco en son temps (18 15-1888), Torino, 1996, 5.

[4] Cf. DESRAMAUT, Don Bosco en son temps (18 15-1888),10-13.

[5] Jean BOSCO, Mémoire de l’oratorio. Mémoire pour servir à l’histoire de l’oratoire Saint François de Sales, 18.