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1 novembre 2021

‘La béatitude est plénitude de vie’

La fête d’aujourd’hui nous offre une vacance parce que dans la tradition chrétienne célébrait « Tous les Saints » non seulement ceux du calendrier, mais tous les saints qui jouissent d’une condition de « béatitude ». A la parole « saint », (homme porteur du divin), est associé un héro sans égal de la foi capable de faire des choses extraordinaires sinon bizarres, je préfère la parole utilisée par le Christ qui indique « celui qui a la vie éternelle » : « bienheureux ». Bienheureux veut dire en effet félicité et la vie éternelle ; ce n’est pas la vie après la mort, mais la vie supérieure à tout type de mort (ennui, habitude, douleur …), vie de maximum intensité, qui ne peut être éteinte. Quand je dis « bienheureux es tu ! » je parle à quelqu’un qui est vivant plus que jamais, heureux. En effet, félicité (vient de la même racine de Physis, la nature en grec, (c’est-à-dire qui génère). C’était l’adjectif utilisé des paysans romains pour indiquer la plante qui donne fruit (l’arbre heureux est l’arbre féconde mur, un arbre chargé de cerises ou un buisson plein de roses.  Le bienheureux est en effet content, comme dit la parole elle même, “tout ensemble”, comme un enfant dans les bras de la mère, il est dans les bras de la vie : chaque aspect de la vie autour de lui et en lui montre l’unité et la plénitude. Mais peut-on être vraiment heureux au milieu des fatigues et souffrances de la vie quotidienne ? Quand j’ai demandé à mes garçons de rappeler l’épisode plus joyeux de l’été, ils ont rapporté toujours et seulement des moments où ils ont été « unis », contents avec tous, avec les autres (amis, amours, familières) et au monde (lieux et moments spéciaux). Il n’y avait pas trace d’erreurs mais de danses d’âme, il n’y avait pas trace de solitaires de connexion digitale mais de contacts réels. En outre les situations décrites s’accompagnaient toujours d’une perception de temps particulier : « qui s’enfuyait », expression qui indique comme si le temps s’arrêtait, la vie éternelle, qui n’est pas la vie de l’au-delà mais d’ici bas, quand elle est intense, pleine de sens, de contenus et donc de satisfaction. Si par contre la vie est sans sens, sans contenu, elle est vide et le temps ne passe jamais. Le philosophe Bergson écrivait : “les penseurs qui ont spéculé sur le sens de la vie et sur le destin de l’homme n’avaient pas noté suffisamment que la même nature a pris soins de nous informer à cet effet. Ceci nous avertit avec signe précis que notre objectif est atteint. Ce signe est la joie, énergie spirituelle. Vivre joyeux et contents, comme à la fin des contes,  une fin qui n’indique pas seulement ce qui arrivera aux protagonistes après la narration, mais surtout ce qui est arrivé : «ils ont vécu» heureux et contents justement parce qu’ils ont réalisé leur désirs, au point de risquer leur vie. Les contes nous rappellent que la joie est le fruit d’une réponse courageuse à son propre appel dans un monde qui résiste, et souvent nous en met l’obstacle mais on peut être « bienheureux » seulement si on ne se contente pas, si on ne vit pas à mesure de son propre désir et ne pas survivre aux désirs des autres. Là où il y a un saint, la vie devient plus vive, elle se multiplie, et non pas parce qu’il est meilleur que les autres mais simplement parce qu’il cherche de donner de bons fruits aux autres, faisant mûrir sa propre originalité, ce qui n’est pas excentrique, être en dehors du centre mais être centré sur l’origine : grains, racine, terre … Nous ne pouvons pas être heureux, contents, bienheureux, si nous  ne sommes pas unis a nous même et au monde. Le bienheureux restitue avec intérêt ce qu’il prend, en lui il n’y a pas hémorragie de vie mais sa multiplication. Ceci arrive surtout pour qui se nourrit de l’humus, terre, la part du terrain plus riche comme le fumier : de la même racine d’humus il y a humorisme et du même fumier, viennent les filles. Le bienheureux n’ignore pas les blessures, les échecs, mais s’en sert comme engrais nécessaire pour donner des fruits et de bon humeur, parce que la béatitude n’est pas dans le bien être mais dans l’union avec les choses et les personnes, et la joie tient compte de la douleur parce qu’elle ne se réduit pas à une superficielle joie qui s’efface.   Leopardi, utilisait le lexique de la félicité-fécondité, dans l’une de ses dernières pensées de Zibaldone, il s’interrogeait sur l’hérédité de son être poète et conclu : « un des meilleurs fruits que je propose et j’espère de mes vers est de contempler les beautés et les mérites d’un fils, pas avec satisfaction de qui ait fait une chose belle au monde, qu’il soit ou non connu comme tel par les autres ». Le bienheureux ne se concentre pas sur soi et sur le succès du public, mais sur “pro-créer” (Leopardi comparait les vers à un fils), faire quelque chose de beau au monde, selon son appel personnel original  a le sens de la “vie éternelle”, la vie pleine de sens, celle dans laquelle rien n’est gaspillé. Bienheureux est la rose qui fleurit, bienheureux le rossignol qui chante, bienheureux l’homme et la femme qui donnent fruit. Ils ne fuient pas la réalité, pourtant durs et sales, car c’est seulement là qu’ils peuvent devenir bénis : saints immédiatement.

Traduction de l’article d”Alessandro d’Avenia, rubrique “ultimo banco” dans “corriere della sera”, p, 27 du 1er novembre 2021