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28 janvier 2022

Jubilé des 40 ans de l’arrivée des FMA en Terre Ivoirienne

Le 14 janvier 2022, la communauté “Sainte Thérèse” a célébré les 40 ans de l’arrivée des premières sœurs Filles de Marie Auxiliatrice en terre ivoirienne précisément à Duekoué. Dans le cadre de la célébration de ce jubilé, nous avons rencontré Sr Maria Teresa Añaños, Fille de Marie Auxiliatrice (FMA). Sr Maria Teresa est de nationalité espagnole, une des deux pionniaires de la premières communautés FMA de Duékoué. Elle nous racconte les débuts de la mission salésienne des FMA dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest.

Merci, je fais un peu d’histoire…

Notre arrivée en Côte d’Ivoire est un avant-goût du « Projet Afrique » de notre Institut qui allait voir la lumière avec tant d’enthousiasme après le Chapitre Général XVII tenu à Rome  du 15 septembre 1981 au 27 février 1982.

Dans la monographie de la communauté de Duékoué nous lisons :

 « Le 14 janvier 1982, occupant le siège Pontifical Jean Paul II […] ; gouvernant l’Institut des FMA Mère Rosetta Marchese et à la tête de la Province Mère Maria del Pilar Polo, s’initie la Mission des FMA à Duékoué, dépendant de la Province Notre Dame du Pilar de Barcelone. Duékoué appartient au Diocèse de Man, quatrième cité de Côte d’Ivoire en Afrique Occidentale.

La fondation répond à l’appel du Recteur Majeur à la Congrégation Salésienne : “ PROJET AFRIQUE ” et à celle du Pape Jean Paul II : “C’est l’heure de l’Afrique ”. Le but de l’œuvre, exprimé dans le verbal du Conseil Général est “évangéliser et promouvoir la jeune fille dans sa dimension de femme dans l’église et dans le monde africain ”.

Cette date a un long ‘prélude’ qui commence vers août-septembre 1980, quand le Provincial des SDB don Alfredo Roca parle à la Provinciale Sr Pilar Polo de l’option que sa Province vient de faire pour l’Afrique et le besoin d’une présence, si possible de « salésiennes »… En novembre 1980, le Provincial annonce l’imminente visite à Barcelone de l’Evêque de Man, Mgr Bernard Agré, qui souhaite parler avec la Provinciale des FMA.  Suite à cette rencontre, la provinciale, Sr Pilar expose la situation à Mère Ersilia Canta et voici la réponse du Conseil Général : « Si vous avez la générosité et le courage, allez-y » (cf. monographie) mais la décision dépendra d’une visite préalable de la Provinciale Sr Pilar à Duékoué pour voir sur le terrain, constater les conditions, voir les besoins …

Le Conseil provincial réfléchit et arrive aux consensus. La Provinciale, le 11 décembre 1980,  écrit une lettre à la province invitant au discernement personnel et communautaire concluant ainsi : « Si quelque sœur, après avoir prié, se sent appelée par Dieu à porter l’esprit de Mornèse et de Valdocco au continent africain, qu’elle me le fasse savoir par écrit. Cela pourrait être le meilleur cadeau à l’Eglise et à la Congrégation dans le prochain centenaire de la mort de Mère Mazzarello… » Les réponses ne se font attendre et de nombreuses sœurs présentent par écrit leur souhait d’aller en Afrique.

En plus, pour confirmer que c’était Dieu qui nous appelait en Afrique, le Recteur Majeur lors de sa visite à Barcelone, pour célébrer le centenaire de l’arrivée des SDB en Espagne et de la mort de M. Mazzarello nous encourageait, le 17 mai 1981, à répondre à l’appel. A ce moment, le voyage de Sr Pilar est déjà projeté.  En effet, la visite in loco, Sr Pilar la réalise avec Sr Concepción Ibáñez et le Vicaire provincial SDB Don Luis Oliveras,  du 14 au 23 juin 1981. A Abidjan, ils sont accueillis par l’évêque de Man, Mgr Agré et les deux missionnaires salésiens Don José Maria Peciña et Don Vicente Ferri déjà à Duékoué depuis le premier janvier de cette même année. Les Sœurs offrent à l’Evêque les 5 volumes de « Les Annales de l’Institut » dont lui-même avait exprimé le désir de les avoir et une belle statue de Marie Auxiliatrice pour sa chapelle privée. Ce sont des jours intenses de prise de contact avec la réalité africaine et avec les gens, d’émotions, d’échanges, de découvertes, des fêtes, d’hommages…   A Duékoué, elles constatent l’état de la maison des sœurs, du foyer, de l’entourage… Elles saluent les gens, visitent la ville, le marché… Beaucoup de monde, des enfants, arrivent pour saluer les sœurs, il y a l’improvisation de chants, de jeux, prélude du futur oratoire… Une rencontre intéressante avec le Comité paroissial a lieu chez le Secrétaire où s’égrènent les besoins plus urgents : pour les jeunes, catéchèse, promotion, temps libre, foyer… pour les enfants, catéchèse, école… adultes, promotion dans les villages, couture, tricotage, nutrition, formations diverses… Le Comité est bien disposé à collaborer avec les sœurs. … les expectatives sont grandes.

Les sœurs se demandent suite à ces rencontres : « Qu’est-ce que nous faisons ici ? La réponse est claire, l’appel de l’Eglise, de l’Institut, de notre conscience, nous presse à donner, ce que nous avons reçu super abondamment, à ces gens, simples mais riches des valeurs sur lesquelles pourra se développer facilement la semence du christianisme qui les rendra pleinement fils de Dieu » (cf. la relation de Sr Concepción Ibáñez dans le journal de la province, p.8).

Au retour, elles passant par las Palmas de Grande Canarie, où elles trouvent la Provinciale de Séville, Sr Rosario Trigo, qui rentre aussi d’une visite au Togo car elles vont y venir aussi vers le mois d’octobre 1982.

Suite au rapport du voyage, le 10 juillet 1981, le Conseil Général autorise la fondation de la mission de Duékoué. Le Conseil Provincial décide qui formera la première communauté de Duékoué : Sr Asunción Bosch Bagur et Sr Maria Teresa Añaños Colón. Avec elles ira aussi Roser Navarro, une jeune coopérante infirmière. L’ouverture est fixée pour janvier 1982. Duékoué n’est plus un rêve mais une réalité à découvrir le jour au jour qui commence par la préparation immédiate des sœurs choisies : Un court séjour à Paris pour étudier le français (ici elles rencontrent Sr Ivonne Reungoat qui va jouer un rôle important dans le projet Afrique de l’Institut) ; la visite à toutes les communautés de la province, toutes bien impliquées en quelque sorte dans cette aventure ; au revoir aux familles respectives…

Le 10 janvier 1982, dans la chapelle de la communauté provinciale de Barcelone, accompagnées de nos familles, de représentantes de la famille salésienne, des sœurs, de la Mère Provinciale Sr Pilar venue de Rome où elle se trouve pour le CGXVII, lors de l’Eucharistie présidée par le Provincial des SDB, nous recevons la croix missionnaire. C’est un moment émouvant…Le soir de ce même jour, avec l’économe provinciale, Sr Immaculada Zubizarreta, nous prenons l’avion pour Abidjan : Le 12, nous faisons escale à  Las Palmas (Iles Canaries), le 13, brève escale à Dakar (Sénégal)  et à 17h de ce même jour nous arrivons à Abidjan (Côte d’Ivoire). Je tiens à souligner le 13, mémoire de Mère Mazzarello ! Les SDB de Duékoué, avec le Vicaire de Barcelone nous accueillent chaleureusement. Ils nous attendaient !!!

Une nouvelle page s’ouvre dans notre histoire. Demain, après l’Eucharistie au CAM (Centre d’accueil missionnaire) nous partons pour Duékoué en passant pour Yamoussoukro où est en chantier la grande basilique de Notre Dame de la Paix, le rêve du Président Felix Houphouët Boigny … C’est un voyage où tout se mélange : la curiosité de voir, de savoir, de partager, l’étonnement, le besoin de louer Dieu, de lui rendre grâces, l’empressement pour arriver mais aussi la joie de petits arrêts dans quelque mission pour saluer des missionnaires avant d’arriver à Duékoué… cela sera une des choses qui se répètera souvent dans les premiers mois de notre arrivée… car on nous disait que c’était un péché grave ne pas s’arrêter quand on passait près d’une mission… En effet, ces rencontres nous ont beaucoup aidées dans notre insertion dans le milieu. Aujourd’hui nous avons trouvé à Bouafle les sœurs de l’Annonciation et les PP des Missions Africaines et avec eux nous partageons le repas…

Nous sommes déjà dans la démarcation de Duékoué, ils nous restent quelques 40 km de piste « tapis rouge » de poussière, l’émotion est grande, les cœurs battent…Décrire l’accueil n’est pas possible en deux mots… les gens nous attendaient !!!  La maison que quelques années avant était occupée par les Sœurs de l’Assomption parties sans l’espoir d’y retourner, sera notre maison… et elles avaient laissé le Tabernacle ! … Merci Père ! Tu es grand, Tu es bon…et Marie était là…

Tout de suite nous nous sommes senties chez-nous. Le 20, Sr Immaculada retourne en Espagne nous disant que son cœur reste avec nous… et nous l’expérimentons car nous sommes convaincues que beaucoup de personnes comme elle prient pour nous et partagent notre mission.

Notre insertion est sans traves, le travail est abondant, les projets ne manquent pas, les rencontres nos encouragent, les moments forts de rencontre avec Celui qui nous a planté ici, sont toujours provoquants à un plus… dans la paroisse tout est en marche et chacune rentre pour donner son coup de main. Nous nous sommes insérées dans les diverses activités : les visites dans les villages, la promotion de la femme, la formation des catéchistes, l’oratoire, l’animation des groupes, l’accompagnement du groupe Cœurs et âmes vaillantes, de la Jeunesse Etudiante Catholique (JEC), le dispensaire pour les premiers soins, etc. La collaboration entre tous est très bonne et Roser, l’infirmière, commence un travail précieux dans le domaine de la santé qui, à la suite, aura un grand épanouissement. En effet, l’année suivante le 16 janvier 1983 arrive Sr Maxima Elena Ferrando qui continuera ce travail avec competence et sollicitude en bonne rélation avec la santé publique, entre autre, par la multiplication des « caisses pharmacie » et la construction de petites maisons de santé dans les villages. Roser parte après un an et neuf mois de généreux et compétent dévouement.

Encore le 24 juillet 1984 arrivent Sr. Virginia Hernández et Sr Lucia Aquerreta pour renforcer notre présence. (Ces dernières en juillet-août 1983 avaient fait déjà un stage à Duékoué et ensuite sont parties en Belgique pour étudier le français)

Tout de suite, nous avons pris conscience que la mission n’est pas une affaire personnelle mais communautaire même si chacune de nous avait une responsabilité spécifique. Pour moi, c’était l’école. Sr Sion s’occupait de la promotion des femmes… L’Evêque Monseigneur Bernard Agré était pour nous  un père qui a eu toujours confiance en nous. Son désir était de faire de l’école catholique un centre pilote, dans le but de diffuser et appliquer le Système Préventif ainsi que la construction d’un Centre de Promotion professionnel dont le CPAR a été la réponse. Nous avons trouvé que l’éducation aux valeurs était une urgence. L’école a grandi très vite. En peu de temps, la mission est devenue belle, et on y a ajouté le foyer pour les filles.

J’ai pris donc la direction de l’école catholique avec la mission d’une restructuration et surtout avec le souci d’appliquer le Système Préventif par notre présence effective et par la formation régulière des enseignantes. Dans un premier temps, cela se passe à Duékoué et ensuite en 8 autres écoles du diocèse quand j’étais nommée conseillère pédagogique. La relation avec les enseignants était, du côté de l’accueil,  facile et gratifiant, mais  arriver à un changement de mentalité pédagogique demandait du temps et des strategies… quand même la chicotte a disparue petit à petit, l’assistance de plus en plus a été comprise et pratiquée, la parité et le respect garçons-filles devenait plus évident et, en tout cela  tous, nous étions bien unis, pères et soeurs pour donner à la mission la couleur salésienne, aux groupes, aux fêtes, à l’ambiance…

Mes souvenirs sont très beaux. Je remercie Dieu de tout cœur. J’étais très contente, heureuse. Tout me portait à la joie, une joie que je cherchais à partager sans attendre rien de retour. Moi qu’en arrivant, je pensais pouvoir donner, c’était moi la première bénéficiaire à recevoir, de la part de tous sans exception et je pouvais répéter sans me laisser TOUT EST GRACE,

Oui, aussi les difficultés de tout type, n’ont pas manquées…  En plus il y a eu, à deux mois au plus près de notre arrivée un cyclone, qui a fait des grands dégâts mais où nous avons expérimenté la solidarité concrète, des vols qui se répétaient souvent. Presque chaque mois, il y avait quelque mésaventure, mais tout m’aidait, nous aidait à mûrir, à nous abandonner en Lui, à rêver, à inventer… avec l’assurance de la présence de Marie toujours à l’œuvre.

L’insertion dans la vie du diocèse a été facile, car il était bien organisé avec un plan de travail bien conçu et évalué périodiquement, où nous nous sommes insérées et bien intégrées. Nous avons pu connaitre pratiquement toutes les missions du diocèse et nous avons travaillé bien ensemble.

Une découverte frappant est que le charisme salésien était déjà dans le cœur des gens, des enfants, dans leur culture, attendant de se réveiller avec les couleurs africaines. Leur accueil, le sens de la fête, la simplicité, l’ouverture, le partage, la solidarité, la dimension religieuse, le sens de Dieu, surtout la joie des enfants qui sont capables de se réjouir avec peu de petites choses, la capacité de souffrance des personnes, tout nous aidait à aller de l’avant. Une des difficultés est celle de la langue, car à Duékoué il y a beaucoup des ethnies avec leurs langues maternelles et pas tout le monde parle ou comprend le française… J’arrivais seulement à dire quelque parole, mais les gens étaient contents de nous entendre la dire. Ils riaient quand je me trompais mais le langage du cœur, toujours universel, dépassait cette grande défaillance.

Le dimanche, c’était beau parce que nous allions avec les pères et quelque catéchiste dans les villages pour l’animation liturgique : La paroisse avait plus de 80 communautés chrétiennes dont elles étaient visitées mensuellement soit avec la célébration de l’Eucharistie, soit avec la célébration de la Parole avec la communion. Le soir venu, on se retrouvait pour la prière et le partage des expériences vécues et puis le dîner. C’étaient vraiment de beaux moments. Autres moments significatifs étaient les activités de vacances avec la présence de volontaires…

Les premières années sont écoulées rapidement. Notre relation de plus en plus avec les communautés du projet Afrique prenaient corps dans des rencontres, retraites… et surtout la conscience du besoin de se construire incarnées dans la réalité. Pour nous, providentiel, car rien est au hasard, en janvier 1991 AFO est érigée Visitatorie et Sr Yvonne Reungoat est la supérieure. En octobre, à cause de la guerre éclatée au Zaïre, actuelle RDC, les dix aspirantes qui se préparaient pour y aller pour suivre leur formation sont obligées à prendre le vol Libreville-Abidjan et  il sera Duékoué à les accueillir pour leur postulat. En août 1982,  AFO dévient province et le noviciat commence aussi le 05.08. Dans cette nouvelle page de notre histoire de ces 40 ans, ma vie est bien impliquée dans la formation avec les sœurs qui arrivent à Duékoué pour cette nouvelle mission qui enrichit notre présence : Sr Angela Zampa et Sr Christine Vaquié.

AFO grandit de tous côtés. Personnellement j’ai vécu tant de choses qui m’ont marquée et rendue très heureuse : après 17 ans à Duékoué j’ai vécu 12 ans à Madagascar, 2 ans au Togo, 3 au Mali et jusqu’au jour que Dieu voudra, Abidjan-Noviciat est mon lieu pour fleurir sans oublier les quatre mois au Burkina. Entre temps il y a eu la guerre en Côte d’Ivoire dont Duékoué a été fortement éprouvé. Dans cette période j’étais à Madagascar…

Tout a été des opportunités pour apporter avec tant de sœurs mon petit caillou dans cette belle province qui est AFO avec ses ombres et ses lumières… Marie marche dans notre maison ! C’est Elle qui a tout fait, qui continue à faire… Dans ce jubilé de 40 ans de présence à Duékoué il y a tant à raconter, à dire et à se dire. MERCI car Dieu, avec notre petitesse, continue à faire des merveilles.

Oui, je suis très satisfaite. Ce que je pourrais dire aux jeunes consœurs, c’est de se laisser saisir par Jésus chaque jour, d’avoir la passion pour les jeunes comme don Bosco et Mère Mazzarello, être amoureuses de Jésus… Je vois le futur avec beaucoup d’espérance.

Merci Sr Maria Teresa !

                                                                               Sr Maria Teresa Ananos,

                                                             Une des fondatrices de la communauté de Duekoué

                                                              Propos recueillis par Sr Pascaline Affognon, FMA